Avant de parler de dépendance et LGBTQ+ et des 5 raisons d’en parler davantage. Je veux prendre le temps de faire un mini lexique pour les gens qui en ressentent le besoin.
Petit lexique
- LGBTQ+ : Lesbienne, gay, bisexuel, trans, queer ou en questionnement et le plus (+) pour toutes autres les identités/orientations (asexuel, agenre, « gender queer », pansexuel, bispirituel, etc.)
- Sexe : On parle de sexe lorsqu’on fait référence à l’anatomie d’une personne et ses attributs biologiques (le système reproducteur, les chromosomes, les hormones, les organes génitaux, etc.). À la naissance, nous sommes généralement du sexe féminin ou du sexe masculin.
- Genre : Le genre désigne l’identité sexuelle d’une personne de par les normes reconnues par la société. Le genre est construit autour des idéologies véhiculées, les mœurs d’une société et il est distinct du sexe. Une personne peut avoir les attributs biologiques d’un homme (sexe), mais s’identifier en tant que femme (genre). Une personne non-binaire ne s’identifie pas aux genres dominants (homme ou femme), mais un entre-deux, un mélange des deux ou aucun des deux. Vous pouvez voir le genre comme un concept d’identité sexuelle sur un continuum et non quelque chose de catégorisé.
Voici un article de La Presse qui en parle davantage.
Quelques statistiques
Je ne vous le répéterai jamais assez : la dépendance c’est partout. Que ce soit des athlètes, des membres de la mairie, le personnel soignant ou des gens d’affaires, la dépendance ne fait aucune discrimination quant à l’âge, le sexe, le genre et le statut socioéconomique. Même si la dépendance ne fait aucune discrimination, il existe tout de même des cellules de la population québécoise plus touchées par le phénomène. C’est le cas des personnes s’identifiant à la communauté LGBTQ+.
Les personnes des minorités sexuelles et de genre sont environ 2 à 5 fois plus à risque de développer une problématique de dépendance que les personnes hétérosexuelles. Ce chiffre change tout dépendamment de la substance. C’est pourquoi je vous écris les 5 raisons d’en parler davantage. Mais avant, parlons de l’hétéronormativité… J’en vois déjà plusieurs faire : euh quoi?
Parlons de l’hétéronormativité
Le cerveau est conçu pour catégoriser toutes les informations qu’il reçoit. Il est tout simplement programmé ainsi. La différence a toujours été un facteur de risque à l’intimidation en période préscolaire ou scolaire. Un enfant met à l’avant-plan la différence, parfois maladroitement. On dit justement que la vérité sort de la bouche des enfants.
On grandit et les risques de discrimination associés à la différence se poursuivent sans équivoque à l’âge adulte. Je ne vous surprends pas en vous disant que les personnes LGBTQ+ sont à risque d’être rejetées, jugées et discriminées. Mais vous allez me dire « différence » à quoi Jonathan? Je vous parle d’un concept que j’aime bien, quelque chose « out of the box » : l’hétéronormativité.
L’hétéronormativité peut être expliquée comme étant la pensée véhiculée par notre société que la seule orientation sexuelle « normale » est l’hétérosexualité et que les deux seuls genres « possibles » sont le masculin ou le féminin. Cette pensée, elle est présente, malgré nous; notre société a été construite ainsi au fil du temps.
Pourquoi parler de LGBTQ+ et de dépendance?
J’y arrive enfin, la dépendance et LGBTQ + et les 5 raisons pour en parler davantage. Ah oui, dans cette section, je vous parle un peu de ma vie personnelle pour m’exprimer plus clairement.
Trauma dès le jeune âge
Les personnes LGBTQ+ sont plus susceptibles de faire face à de multiples traumatismes dès l’enfance. Un trauma n’est pas nécessairement un événement tragique ou une situation hors du commun, c’est tout simplement une blessure psychologique qui forge la personnalité comme l’explique Dr Gabor Maté, une sommité en matière de dépendance.
C’est dès l’âge de 2 ans que les enfants sont en mesure de faire la différence entre un garçon et une fille. Cela étant, ça ne veut pas dire que ces enfants vont s’identifier comme un « petit garçon » ou une « petite fille ». Par exemple, le fait qu’un enfant s’habille en une personne de l’autre « sexe » ne veut pas dire qu’il remet en question son identité. L’enfant fait tout simplement ce qu’un enfant fait en plein apprentissage : il explore. Mais, le réflexe de la figure parentale est souvent d’essayer de mettre de côté ce type de comportement. On dit à l’enfant « on ne fait pas ça », sans nécessairement le chicaner, mais on lui dit qu’il y a quelque chose qui cloche avec son désir d’exploration.
Les personnes LGBTQ+ ne remettent pas touxtes en question leur identité de genre. Hétéronormativité ou pas, tout le monde a vu dès leur enfance ce qu’est la « norme » d’un couple : un homme et une femme. Ce n’est bien évidemment pas quelque chose de mauvais on s’entend, mais il faut être conscient que ce ne sont pas la totalité des couples qui cadre dans cette « norme ». Heureusement, il est possible de voir des modèles parentaux différents, ce qui laisse place à l’enfant d’explorer son identité de genre ou son orientation sexuelle. On n’encourage pas les enfants à contester leur identité de genre ou sexuelle face à des modèles parentaux différents. Au contraire, nous démontrons une ouverture à l’exploration saine.
À la préadolescence et l’adolescence, l’exploration de l’orientation sexuelle bat son plein. Les jeunes se questionnent, vivent des pulsions et tentent de démêler les nombreux changements qui se produisent tous en même temps. Avant de continuer, je vous parle de deux besoins fondamentaux que tous les êtres humains ont pour survivre. Le premier est celui de l’attachement. D’avoir une relation d’attachement solide avec une figure parentale présente et soutenante. L’autre est celui de l’authenticité : d’être authentique à ce que l’on ressent, à ce que l’on est. Il faut savoir que si l’authenticité met en danger le besoin d’attachement, l’attachement aura toujours priorité.
Exemple : si un enfant réalise que d’être en colère ou de s’identifier à quelque chose de hors-norme met sa relation d’attachement en danger, l’enfant met de côté son besoin d’authenticité pour conserver sa relation. Appliquez ce concept tout au long de la vie et c’est là qu’on peut parler de multiples traumas causant différents mécanismes d’adaptation : anxiété, dépression, dépendance, etc. Le but ici n’est aucunement de blâmer les figures parentales, mais d’exposer que de mettre de côté notre authenticité à des conséquences sur notre développement tout au long de notre vie.
Imaginez-vous les personnes LGBTQ+ qui ont été victimes de stigmatisation ou carrément d’un rejet total de la part de leurs parents ou leur entourage. Cette « oppression » de la figure d’attachement ne vient pas sans conséquence. Je vous laisse imaginer les conséquences possibles : problématique de dépendance et autres. Je vous parle dans le prochain point de la définition de la dépendance pour mettre en lumière les conséquences des traumas dès un jeune âge.
Santé mentale plus élevée chez les personnes LGBTQ+
Les indices de dépression et d’anxiété chez les personnes LGBTQ+ sont phénoménalement plus élevés que la population hétérosexuelle. Plus haut, je vous parlais que les personnes LGBTQ+ étaient 2 à 5 fois plus à risque de développer une problématique de dépendance. Lorsqu’on porte une attention particulière, la situation est encore plus préoccupante chez les jeunes. En effet, l’association canadienne pour la santé mentale estime que les jeunes LGBTQ+ sont 14 fois plus à risque de développer une problématique de santé mentale incluant une problématique dépendance.
Les liens entre les différentes problématiques de santé mentale comme la dépression et l’anxiété sont documentés de façon très exhaustive dans la littérature. Une personne ayant une problématique de santé mentale (dépression, anxiété, TDAH, bipolarité, etc.) est significativement plus à risque de développer une problématique de dépendance au cours de sa vie.
Mais pourquoi? Prenons la définition de la dépendance suivante : tous comportements qui procurent un plaisir ou un soulagement temporaire, qui engendre des conséquences négatives et que malgré la présence de ces conséquences négatives, il est difficile d’arrêter. On parle de soulagement temporaire ou de plaisir. Une problématique de santé mentale cause beaucoup de stress dans la vie d’une personne. La dépendance devient un « mécanisme d’adaptation » à une situation difficile.
Expériences de vie plus stressantes
Imaginez-vous une personne en pleine adolescence qui se questionne sur son orientation sexuelle ou de genre. Cette personne réalise promptement que ses questionnements l’amènent vers le chemin de la différence, une voie hors de l’hétéronormativité, générant souvent un stress immense. Déjà que de naviguer à travers les corridors de l’école est anxiogène pour toutes personnes dans l’adolescence (ayant un besoin criant d’appartenir à un groupe), le fait d’avoir un statut social minimalement « plaisant » ou marcher la rangée de cases, les corridors pour une personne en questionnement ou s’affichant différemment que la norme est sans contredit stressant.
C’est la même chose à l’âge universitaire et adulte. Nouveau travail ou un nouveau cours : un besoin naturel de vouloir appartenir à un groupe est présent, un besoin d’attachement en quelque chose. Si notre besoin d’authenticité menace le besoin d’attachement, naturellement l’humain fera fit de son besoin d’authenticité, encore une fois. Je vous parle par expérience personnelle où, avec les meilleures intentions du monde et armé de tout mon courage, j’ai cédé aux pressions sociales pendant longtemps, mettant constamment mon besoin d’authenticité de côté.
Besoin d’attachement = party lifestyle de la communauté LGBTQ+
Aller dans le village gay à Montréal est souvent synonyme de party et consommation. Ici, je ne dis pas que l’entièreté de la communauté LGBTQ+ consomme abusivement ou de façon malsaine. Mais lorsqu’on a passé les 15, 20 ou même 25 premières années de sa vie à se questionner, à douter, à avoir peur, à refouler l’essence de notre identité, il se peut que lorsque ces personnes arrivent dans une communauté ouverte, accueillante et sans jugement (qui aime faire la fête aussi), on se laisse glisser vers un mode de vie plus nocturne et orienté vers les partys et la consommation. Encore plus, imaginez si quelqu’un s’est carrément fait rejeter par son noyau familial ou social suite à l’annonce de son orientation sexuelle ou de genre. C’est facile de tomber dans le party lifestyle lorsque ça comble (ENFIN) un besoin d’appartenir, de s’attacher.
Barrières encore présentes pour le traitement des personnes LGBTQ+
Une autre raison de parler davantage de dépendance et LGBTQ+ est la présence de barrières d’accès au traitement. Que ce soit par peur d’aller consulter ou même par manque d’ouverture de certaines ressources plus conservatrices, des histoires il y en a de toutes les sortes. Parfois, il s’agit aussi de la peur de dévoiler son orientation sexuelle ou de genre en traitement. C’est encore courant que certaines personnes consomment pour apaiser le mal qu’elles vivent dans le « placard » (j’ai toujours trouvé drôle cette expression). Même, certaines personnes savent explicitement qu’elles ne cadrent pas dans l’hétéronormativité et continuent de consommer par peur de faire leur « coming out ».
*En passant, je souhaite qu’un jour faire sa « sortie du placard » ne soit plus quelque chose qui existe. Personnellement, j’ai dévoilé mon orientation sexuelle à mes proches à l’âge de 26 ans. J’ai toujours trouvé étrange le concept de faire une annonce à tous. Comme si fallait que j’expose ou que je fasse un communiqué de presse à mes proches*
Malheureusement, il arrive que certaines personnes LGBTQ+ aient de mauvaises expériences avec le personnel de la santé (ou même dans certains états des États-Unis qui se sont fait prescrire un traitement de conversion, oui oui…). Tout ce bagage historique pèse sur les épaules de ces personnes et, intentionnellement ou non, a pour conséquence de limiter l’accès au traitement de la problématique de dépendance des personnes LGBTQ+
Dépendance et LGBTQ+ : une situation parmi tant d’autres.
J’écris ce texte, un peu timidement ou j’effleure ma vie personnelle. Je le fais surtout parce que je suis fier de toutes les personnes qui ont contribué à ce que je puisse m’épanouir pleinement aujourd’hui. Quand j’y pense, si j’étais né à l’époque de mes parents, j’aurais été considéré comme un criminel jusqu’à l’âge de 9 ans. J’écris ce texte plein de gratitude pour toutes les personnes ayant frayé le chemin par lequel j’ai pris, malgré que j’ai pris beaucoup de temps à le prendre : le chemin de l’authenticité. Je vous invite à prendre à parler de la communauté LGBTQ+ avec vos proches et de remettre certaines pendules à l’heure avec les gens de votre entourage qui parfois, sans mauvaises intentions, place un mauvais commentaire à l’égard des personnes LGBTQ+. Dites-vous que c’est l’accumulation de plusieurs commentaires de ce genre qui peuvent pousser les personnes LGBTQ+ vers la dépendance. Si vous chercher un endroit pour en parler ouvertement ou poser des questions sur la dépendance et vos questionnements en lien avec les enjeux LGBTQ+, joignez-vous au groupe privé de la Clinique Addiction ici.